Dans un contexte économique encore incertain, le secteur de l’immobilier commercial américain navigue entre signes d’amélioration et obstacles tenaces. C’est ce que révèle la dernière enquête trimestrielle d’Altus Group sur les conditions et le sentiment du marché, couvrant le deuxième trimestre 2024. Ce rapport, fruit des réponses de 227 professionnels représentant au moins 49 entreprises différentes, offre un aperçu précieux des tendances actuelles et des perspectives du secteur.
Un optimisme mesuré face aux défis
Malgré les turbulences économiques des dernières années, l’enquête révèle une légère amélioration du sentiment général. Si 85% des répondants s’attendent toujours à un environnement opérationnel “difficile” pour les 12 prochains mois, on note une légère baisse par rapport au trimestre précédent (86%). Plus encourageant encore, la proportion de ceux anticipant un environnement “extrêmement difficile” n’a augmenté que de 3 points, pour atteindre 16%.
Cette prudence s’explique en partie par la persistance de certains défis majeurs. Le coût du capital reste la préoccupation principale pour 67% des professionnels interrogés, suivi de près par les coûts d’assurance (60%). Les inquiétudes liées à la disponibilité du capital ont cependant considérablement diminué, passant de plus de 60% à seulement 40% des répondants, signe d’une certaine détente sur les marchés financiers.
Le spectre de la récession s’éloigne… mais pas totalement
Les craintes d’une récession imminente semblent s’atténuer, bien que le risque ne soit pas totalement écarté. Seuls 14% des répondants considèrent une récession comme “très probable” dans les six prochains mois, contre 16% au trimestre précédent. Néanmoins, 35% la jugent encore “quelque peu probable”.
Il est intéressant de noter que les attentes varient selon les stratégies d’investissement. Les investisseurs “core” restent les moins inquiets, tandis que ceux suivant des stratégies de fonds de fonds ou opportunistes sont les plus préoccupés. Cette divergence reflète probablement la différence d’exposition au risque entre ces stratégies.
Un marché des transactions qui se réveille
L’enquête met en lumière une reprise attendue de l’activité transactionnelle. 80% des participants prévoient de réaliser des transactions (achat, vente ou les deux) dans les six prochains mois, un chiffre stable par rapport au trimestre précédent. On observe cependant des disparités selon la taille des entreprises :
- 91% des plus grandes firmes (plus de 5 milliards de dollars d’exposition) anticipent des transactions, en hausse par rapport au trimestre précédent.
- Les entreprises de taille moyenne (entre 500 millions et 1 milliard de dollars) montrent une tendance à la vente, avec une baisse de 33 points de leur intention d’achat et une augmentation de 18 points de leur intention de vente.
Ces chiffres suggèrent un possible transfert d’actifs des entreprises moyennes vers les plus grands acteurs du marché, peut-être mieux positionnés pour faire face aux défis actuels.
L’évolution des attentes de rendement
Les professionnels interrogés s’attendent à une légère hausse du coût de la dette sur les 12 prochains mois. Les taux d’intérêt “all-in” pour les financements à taux fixe devraient se situer entre 6,7% et 7,3%, contre 6,1% à 6,9% au trimestre précédent.
Cette augmentation du coût de la dette s’accompagne d’une baisse des attentes de rendement sur fonds propres. Les TRI nets anticipés ont diminué en moyenne de 51 points de base par rapport au trimestre précédent, avec des baisses plus marquées pour les stratégies core plus (-73 points de base) et opportunistes (-81 points de base).
Les secteurs gagnants et perdants
L’immobilier industriel reste le secteur le plus plébiscité, bien qu’en légère perte de vitesse. Son “sentiment net” (différence entre ceux qui le considèrent comme le meilleur et le pire secteur) a diminué de 11 points par rapport au trimestre précédent.
Toutes les formes de logement voient leurs perspectives s’améliorer. Le multifamilial et les résidences pour personnes âgées enregistrent une hausse de 8 points de leur sentiment net, tandis que le logement étudiant et le résidentiel individuel progressent respectivement de 3% et 1%.
Sans surprise, l’immobilier de bureaux reste le secteur le moins apprécié, reflétant les incertitudes persistantes liées au télétravail et à l’évolution des modes de travail post-pandémie.
L’intelligence artificielle gagne du terrain
Un point intéressant de l’enquête concerne la perception de l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur. On observe une baisse significative du scepticisme envers cette technologie, particulièrement marquée chez les professionnels les plus expérimentés. Seuls 20% des répondants ayant plus de 20 ans d’expérience considèrent encore l’IA comme une “technologie non prouvée” aux bénéfices incertains pour l’immobilier commercial, contre plus de 50% il y a seulement deux trimestres.
Cette enquête d’Altus Group dresse le portrait d’un marché immobilier commercial américain en transition. Si les défis restent nombreux, notamment en termes de coût du capital et d’inflation, on observe des signes encourageants de reprise et d’adaptation. La résilience du secteur industriel, l’amélioration des perspectives dans le résidentiel et l’ouverture croissante aux nouvelles technologies comme l’IA témoignent de la capacité du secteur à se réinventer.
Pour les investisseurs français et luxembourgeois, ce rapport offre des pistes de réflexion précieuses. Il souligne l’importance d’une approche différenciée selon les secteurs et les stratégies d’investissement, tout en rappelant la nécessité de rester vigilant face aux évolutions rapides du marché. Dans un environnement qui reste complexe, la clé du succès résidera probablement dans la flexibilité, l’innovation et une analyse fine des opportunités émergentes.